14 mars 2009

Je pose, nous positons > P


Jeudi, c'était Libé des écrivains. On* m'avait proposé d'y prendre part et donc, à mon tour, j'ai proposé un thème. Les biothérapies.
Oui, oui. Je sais.
Muni de ce Sésame, j'ai pu croiser et écouter trois chercheurs de pointe, tous gens passionnés, habités, dont l'oeil vous estime pour savoir jusqu'à quelle profondeur ils peuvent vous descendre en plongée, à la découverte de leur monde.

Le papier avait pour titre "A Nantes, on cultive le vivant" ; il en aura finalement un autre. Et puis, il y a eu des coupes, maquette oblige. Un passage entier a sauté, sur les tomographies par émission de positons. Indigeste, je le concède. Il n'empêche, précisément, j'y tenais à ce passage. Vous allez voir, parce que je vous le donne, vous qui, jeudi, n'avez pas lu Libé -je le sais bien. Le voici :

Depuis 8 ans, l’usage de tomographies par émission de positons (T.E.P.) se banalise (150 000 examens en France en 2008). Positons ? Des électrons positifs, autrement dit, de l’antimatière, transportés dans le corps via des molécules de glucose. Les cellules tumorales sont gourmandes de sucre. On peut ainsi marquer la tumeur. L’imagerie n’est plus seulement anatomique ; elle devient fonctionnelle. Personne n’a la même tumeur que son voisin. "Voir" directement une tumeur est une étape importante dans le développement d’une médecine personnalisée.
Epoustouflant ! De l'antimatière injectée dans le corps ! De l'an-ti-ma-tière ! Moi, j'étais scotché.
C'est sans doute là qu'on réalise, quand un chercheur** vous a emmené un peu trop loin, bien au fond et sans retour possible, qu'au réel,
la science compose la poésie ultime.

Après, j'ai parcouru le journal et je suis tombé sur un encadré, page 12, intitulé "Slogans : des griefs en toutes lettres". Au sujet des chercheurs en grève. Je lis ; ça finit comme ça :
"15H30, la place de la République se vide lentement. La Préfecture de police comptera court ; les syndicats large. Moi, je ne compte pas."
Signé Jacques Roubaud.
Et il n'y a rien à dire. Pure essence de mots ! Une formule à 360°. La patte du maître, presque invisible, frôlant l'anodin.
C'est en lisant cette dernière phrase que j'ai compris qu'au bout des choses et de leur compte,
la poésie compose la science ultime.

Ouf. Fou. Je ne sais pas. Mais pour une poignée de mots, ce n'était pas un jeudi vain.

*On n'existe pas, bien entendu. En l'occurrence, la proposition avait pris la forme d'un message de la journaliste de Libération, Frédérique Roussel.
** Le professeur de médecine nucléaire Jean-François Chatal.
"Moi, je ne compte pas."
Jacques Roubaud apparaît ici à droite,
au milieu mais presque.

Aucun commentaire: