L'arbre > R
L'être est noueux, comme si la sève, en poussant, avait percuté un air chargé de résistances, et avait dû forcer pour mériter la vie. Le tronc épaissi dans les siècles s’enserre plusieurs fois lui-même.
Il ne porte aucun nom. Les gens, ici, disent simplement «l’arbre», tout le monde comprend. Il paraît plus vieux que la butte qui le porte, et c’est lui qui semble à son origine dans ce lieu d’inhospitalité.
Grue-de-Bois -on ne le voit plus guère de nos jours- dit que la terre est venue après, qu’elle est une immense agglomération entre ses racines. Il prétend que les deux ramures de l’arbre, celle qui tient le sol et celle qui tient le ciel, figurent l'harmonie. A croire le vieux, il y aurait neuf arbres, en tout et pour tout, dans l’univers. Le reste, ce ne sont que des rejetons de forêts.
Ce qui fait de notre village un endroit particulier, parce qu’on y trouve un des neufs, sur les bords de l'Irs, précisément là où les filles chantent et battent en choeur le linge.
Note : ce récit forme un carreau dans la mosaïque d'un prochain univers.
Carreau 1-9
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Alors un jour Semli avait décidé que trop c’est lent les barbes usagées de remontrances, et depuis que ses racines avaient crevé la voûte de l’étoilé plafond de stalactites et de gemmes glorieuse, l’arbre avait pris possession des destinées familiales.
La ville tout entière avait replié plus profondément encore, loin des vrilles dangereuses et assoiffées telles des liches de la moindre parcelle, l’eau des rêves, l’eau des morts, l’eau des chants.
Les femmes avaient commercé pour jouer de petites choses comme faire tiédir la lave ou repasser en commères paresseuses, les anciennes avaient jasé de plus en plus fort et les ‘pouvoirs avaient été décrétés « impolitesses » par le conclave des douze sages tribaux et décret impérial de concert, rarissime accord des temporels et du droit divin.
Alors pourquoi de telles effronteries lui sortait-elle de l’esprit du souffle de la langue du chant et des doigts, la honte avait induit ses deux pères à un quasi-séquestre qui la laissa cloîtrée dans le conduit tribal jusqu’à sa mue de femme. Pendant et pour vivre, elle avait appelé l’exclusion et le chemin de la surface laide.
Elle fut parée d'attributs magiques et de nuisances occultes. déesse blonde borgne boiteuse et difforme si possible. Sa tempérance nommé froideur et sa température murmurée fièvre. Ceux-d’entre-racines l’aimaient à besoin, l’écartèrent par crainte, la protégèrent par nécessité, comme une saison hivernale additive. Son secret du feu, des métaux solides, liquides, purs ou alliés pour se troquer en armes, aussi bien qu'en socs, qui voulait l’entendre plutôt qu’en jouir ? et d’y graver les symboles aux malames, aux bourdons et aux targes héroïques. La légende du précieux et du plus… par une simple reforge des brisures à l'épée renaissante prend place et absorbe la vérité comme un crachat sur le sol des menteux.
Et son corps dense et brûlant jouait d’une insolente longévité, les termes d’irrespect scarifièrent les tombes de ses premiers amis et son foyer fut nommé caverne et la masse dure de ses chairs nanisme ou terreuse, les termes changèrent ; sans une ride dans l’eau de son regard, nul autre ne venait du Peuple, et les hommes la pensaient unique dans leur défaut d’empire.
TROLL
"Les barbes usagées de remontrances"
Superbe description des "vieux peps", comme dit le Troll en parlant de "ceux qui ont survécu et qui savent", les personnages qui détiennent une partie cruciale (mais une partie seulement) du scénario. Parce qu'ils en remontrent, c'est évident, à ces ignorants nouvellement créés, à ces chercheurs de merveilles qui, le plus souvent, finissent en vulgaires pilleurs de tombes. Les "barbes usagées" -les vieux peps- forment un rituel de passage. Ce sont des remontrances obligées, nécessaires. Elles posent l'enjeu...Serez-vous (encore, oui, encore !) à la mesure de l'histoire ? Et qui le sera cette fois ?
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